Samstag, 7. November 2009

tropiques tristes - la mort d'un géant



L'anthropologue français Claude Lévi-Strauss s'est éteint vendredi 30 novembre 2009, à moins d'un mois de son 101e anniversaire. Père de l'anthropologie moderne et du structuralisme, l'auteur du très fameux Tristes Tropiques (1955) a été l'un des plus éminents intellectuels du XXe siècle. Il a influencé des générations de chercheurs. Claude Lévi-Strauss, déterminé à associer la rigueur scientifique à l'enquête directe sur le terrain, a contribué à donner à l'ethnologie toute sa légitimité parmi les sciences humaines. A partir de ses premières recherches sur les Indiens du Brésil dans les années 1930, il produisit durant des décennies une œuvre scientifique au rayonnement international. Claude Lévi-Strauss s'intéressa également au thème des mythes, auquel il consacra une tétralogie, les Mythologiques. Professeur au Collège de France de 1959 à 1982, Claude Lévi-Strauss est le premier anthropologue élu à l'Académie française en mai 1973, au fauteuil de l'écrivain Henri de Montherlant. L'Académie française a indiqué qu'elle lui rendrait jeudi un hommage privé, lors de sa séance hebdomadaire. Claude Lévi-Strauss avait fêté ses 100 ans le 28 novembre 2008.


Le long chemin d'un ethnologue. 

Claude Lévi-Strauss était né à Bruxelles, de parents français d'origine juive et alsacienne, le 28 novembre 1908. Installé à Paris dès sa jeunesse, Claude Lévi-Strauss fréquenta les lycées Janson-de-Sailly, Condorcet, avant de mener des études à la Faculté de droit de Paris, où il obtint une licence, puis à la Sorbonne. Il finit troisième à l'agrégation de philosophie en 1931. Entretemps, il fréquenta les milieux de gauche, notamment la SFIO -l'ancêtre du Parti socialiste- et manqua de peu d'entamer une carrière politique. Devenu professeur de philosophie à Mont-de-Marsan et Laon, Lévi-Strauss intégra une mission universitaire au Brésil et enseigna la sociologie à l'université de Sao Paulo de 1935 à 1938. Cette expérience scella sa vocation d'ethnologue. Il anima diverses missions dans le Mato Grosso et l'Amazonie, où il se familiarisa avec les populations indiennes. De retour en France peu avant la guerre, Claude Lévi-Strauss fut mobilisé sur la ligne Maginot, puis, évincé de l'armée par Vichy du fait de ses origines juives, il se retrouva affecté au lycée de Montpellier en 1940. Dès 1941, il se réfugia à New York où il gagna sa vie comme professeur. Il y rencontra le linguiste russe Roman Jakobson, dont il suivit l'enseignement. Après un bref retour en France en 1944, Lévi-Strauss devint en 1945 conseiller culturel auprès de l'ambassade de France aux Etats-Unis, un poste qu'il occupa jusqu'en 1948 avant de démissionner. En 1949, il publia sa thèse Les structures élémentaires de la parenté, écrite à partir de ses expéditions brésiliennes. La même année, il fut nommé sous-directeur du Musée de l'Homme, à Paris. À partir de 1950, Lévi-Strauss occupa la chaire des religions comparées des peuples sans écriture à l'École des Hautes Études. Il publia en 1955 le célèbre essai Tristes tropiques, entre ethnologie, autobiographie et philosophie. Cet ouvrage scientifique aux accents littéraires connut un succès autant critique que public. Étude des comportements sociaux des Indiens du Brésil, le livre n'avait pas été récompensé du prix Goncourt car ce n'était pas un roman.

En 1958, il publia le recueil Anthropologie structurale. En 1959, il devint professeur au Collège de France, à la chaire d'anthropologie sociale. Il occupa ce poste jusqu'à sa mise à la retraite en 1982. Après avoir fondé en 1961, avec le linguiste Émile Benveniste et le géographe Pierre Gourou la revue L'Homme, et publié en 1962 La pensée sauvage, il se consacra dans les années 1960 à l'étude des mythes, produisant pas moins de quatre volumes Mythologiques entre 1964 et 1971. En 1973, Claude Lévi-Strauss fut le premier ethnologue élu à l'Académie Française. Il devint également commandeur de la Légion d'honneur. Il continua d'écrire des essais sur la mythologie, puis ralentit son activité dans les années 1990.

Ayant officiellement pris sa retraite en 1982, il continua à voyager et à écrire, cultivant ses penchants pour la musique, la peinture et, plus généralement, ce qu'on apprend d'autrui, comme dans son ouvrage Regarder, écouter, lire. En juin 2006, il reçut un hommage appuyé de Jacques Chirac lors de l'inauguration du musée parisien du Quai Branly dédié aux arts premiers. En mai 2008, Lévi-Strauss fit son entrée dans la prestigieuse collection de La Pléiade, ayant choisi lui-même les œuvres qu'il voulait y voir publiées. Fin novembre 2008, à l'occasion de son centenaire, plusieurs hommages lui furent rendus. Le Musée du Quai Branly organisa une journée spéciale avec lectures publiques de ses textes par différentes personnalités. L'Académie française honora le premier centenaire de son histoire. Enfin, Nicolas Sarkozy et Hélène Carrère d'Encausse rendirent visite à l'ethnologue à son domicile parisien.
Marié en troisième noce en 1954, Claude Lévi-Straus avait deux enfants. Explorateur de la nature humaine, il disait "ne s'intéresser qu'à ce qui n'existe plus". Ayant laissé derrière lui ses sympathies militantes de jeunesse, il refusa toujours de s'engager politiquement, "haïssant l'esprit de système".
Dans une des dernières interviews accordées ces dernières années, en 2005, Claude Lévi-Strauss, inquiété par l'uniformisation engendrée par la mondialisation, confiait: "Nous allons vers une civilisation à l'échelle mondiale. Où probablement apparaîtront des différences - il faut du moins l'espérer (...). Nous sommes dans un monde auquel je n'appartiens déjà plus. Celui que j'ai connu, celui que j'ai aimé, avait 1,5 milliard d'habitants. Le monde actuel compte 6 milliards d'humains. Ce n'est plus le mien."

Le structuralisme

Le structuralisme est l'ensemble des théories qui, en sciences sociales et humaines, privilégient l'étude et l'analyse des structures. Pour Claude Lévi-Strauss, le structuralisme représente un outil permettant de déchiffrer les civilisations, en repérant par exemple, au sein de contenus variables, des formes invariantes. Le structuralisme s'est beaucoup appliqué au mouvement intellectuel en France, durant la décennie 1960-70, qui affirmait la prééminence du tout par rapport aux parties, des relations par rapport aux éléments. La presse a regroupé sous ce mot une palette d'intellectuels aussi divers que Michel Foucault, Jacques Lacan, Roland Barthes, différents essayistes et journalistes estimant que le structuralisme était le fils de l'existentialisme et du marxisme. Or, Claude Lévi-Strauss confiait: "Les seuls structuralistes auprès desquels j'aimerais me ranger sont le linguiste Émile Benveniste et l'historien Georges Dumézil." La vogue du structuralisme s'essouffla après 1968. "Il a introduit un peu plus de rigueur qu'il n'y en avait auparavant", soulignait Claude Lévi -Strauss dans les années 1980 en ironisant sur cette "opinion parisienne, qui ne s'est pas aperçu que le structuralisme véritable n'a rien à voir avec le mythe qu'elle s'est créé". Il n'apporte pas de "message", n'est pas une "philosophie mais seulement une méthode d'analyse", insistait-il.

Formé à l'analyse structurale par le linguiste Roman Jakobson qu'il avait rencontré à New York dans les années 1940, l'ethnologue expliquait que le structuralisme, dans son domaine, "c'est essentiellement essayer de réduire le nombre de variables, essayer de comprendre les rapports entre ces variables plutôt que de les traiter comme des problèmes séparés". Pour Jakobson, chaque langue est une variation à partir d'une structure commune. Or, Lévi-Strauss, en étudiant les relations de parenté chez les peuples primitifs ou leurs mythes, releva l'existence, dans des cultures très différentes, "d’une unité psychique de l'humanité". Il tenta alors de déceler dans les peuples (notamment les peuples primitifs parce que, plus petits, leurs mythes sont plus facile d'accès) les "éléments de la structure primordiale". Le mythe le plus connu, dans son œuvre, devenu "invariant culturel", est l'interdit de l'inceste. Cette interdiction est présente autant dans des cultures comme celle des indiens Nambikwara, au Brésil, que dans nos sociétés. D'où la conclusion logique que la différence entre civilisation "primitive" et "évoluée" disparaît, d'un point de vue ethnologique…

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